Et à chaque fois, accompagnant ces chiffres saisissants, les mêmes formulations, les mêmes faux arguments - jusqu’aux mensonges -, qui viennent relativiser le phénomène.
D’abord, le chapeau nous précise que l’acétamipride, pesticide jusque-là interdit, est « autorisé ailleurs en Europe jusqu’en 2033 » : comme si la loi Duplomb n’avait fait que s’aligner sur une norme européenne consensuelle.
Le même chapeau enchaîne en décrétant, avec un sidérant aplomb, que la pétition « ne permet pas de revenir sur les dispositions votées ». Alors que, révélant l’immense refus des reculs gouvernementaux en matière environnementale et sanitaire, mettant en lumière le « déni de démocratie » qui a conduit à son adoption, la pétition pourrait inciter le Conseil Constitutionnel à rejeter la loi. Elle pourrait aussi convaincre le Président Macron de ne pas la promulguer. On peut rêver, mais ce seraient, en tous cas, objectivement, deux manières de « revenir sur les dispositions votées ».
Au cas où nous n’aurions pas compris que rien n’est à attendre de cette irruption du peuple dans la tambouille du pouvoir, l’article le répète : « Sa portée sera toutefois limitée ». Ou en tous cas, Le Monde semble l’espérer, qui ne manque jamais d’arguments pour relativiser voire délégitimer les incessantes et embarrassantes mises en cause du pouvoir macroniste.
Enfin, voilà le plus choquant, lu plusieurs fois, en commençant par le plus bel euphémisme de l’année :
« Ses effets sur l’humain sont aussi source de préoccupations…. »
Non, pas source de préoccupations, mais d’immenses et insondables angoisses, qui s’ajoutent à celles qu’engendre chaque jour ou presque l’annonce de nouvelles catastrophes climatiques.
Non, pas source de préoccupations, mais de colère, qu’expriment si bien les personnes souffrant de cancer, comme Fleur Breteau (à l’initiative du bien nommé collectif Cancer Colère,) et des proches de ces personnes malades.
« … même si les risques restent incertains, faute d’études d’ampleur ».
Non, les risques ne sont pas incertains ; ils sont connus.
Le rôle des pesticides dans la progression des cancers chez les plus jeunes est par exemple « avéré ».
Et c’est la communauté scientifique représentée, excusez du peu, par le CNRS, des sociétés savantes, la Fondation pour la recherche médicale, la ligue contre le cancer etc. etc, qui s’est opposée à la loi, sur la base d’une connaissance.
Tout cela était parfaitement rappelé dans un article admirable du Monde déjà évoqué, écrit par Stéphane Foucard, que l’on invite tout le monde, y compris ses confrères, à lire et à relire.
Nous, tout en flippant sur le futur que nous réservent nos gouvernements, nous pouvons nous interroger sur la fâcheuse manie qu’a ce quotidien féru d’« équilibre » et d’« objectivité », de voler au secours d’un pouvoir et d’institutions de plus en plus discréditées.