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« Symbolique »

Réflexion d’un Français en sursis

par Houssam El Assimi
8 mai 2020

Pour fêter, le mieux possible, en attendant des jours meilleurs, les 20 ans du site « Les mots sont importants », nous avons choisi d’accompagner la sortie de l’anthologie Mots et maux d’une décennie, paru mi mars aux éditions Cambourakis, d’une anthologie virtuelle, en ligne, à raison d’un texte chaque jour, un par année. En 2017, nous publions ce texte de Houssam El Assimi dénonçant l’odieux projet de loi de déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français coupables d’actes terroristes.

Aujourd’hui et plus encore que d’habitude je suis en colère. Voilà, c’est fait. Le Front National réclamait ce type de mesures depuis sa création. Le PS l’a finalement exaucé. Hollande, Valls, accompagnés de toutes celles et ceux qui voteront cette « réforme » seront responsables d’avoir aussi exaucé le rêve des nostalgiques de l’Algérie Française. En plus des guerres, de Macron, du TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), de l’Etat d’urgence et de tout le reste. En plus de tout ça, et à rebours pour la énième fois pendant ce quinquennat, de leurs promesses de campagne. Après avoir hésité, donc, et en dépit des réserves homéopathiques du conseil d’Etat, l’extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français a été inscrite dans le projet de réforme de la Constitution.

Je suis bi-national et dorénavant, Français en Sursis.

Aujourd’hui, je n’ai pas envie d’analyser.

Je me fiche de savoir si cela est dû à la volonté, comme d’habitude pour un gouvernement soit disant progressiste, de ne pas paraître "laxiste " aux yeux d’éditocrates réactionnaires.

Je me fous de savoir si le maintien de cette mesure a pour but de permettre le vote d’une loi en forme de petit colombin qui va constitutionnaliser l’état d’exception par des gens de droite. C’est qu’il faut réunir 3/5e des députés et sénateurs pour modifier la Constitution sans faire de référendum. Il faut ratisser large.

Aujourd’hui, j’en ai marre de comprendre, d’expliquer et j’aimerais vraiment que ma rage ne soit pas QUE le monopole des gens qui sont comme moi binationaux, ou appelés fils d’immigrés de…, issus de…, héritiers de la colo…Français de la xème génération, d’apparence…, originaire de… . Comme trop souvent.

J’aimerais qu’on comprenne, qu’on ressente sans que j’ai Encore à expliquer.

En fait, j’aimerais parfois que les dominants comprennent, sans qu’il faille déconstruire, décortiquer. Mâcher le boulot, c’est épuisant parfois à la longue.

Aujourd’hui, j’ai les boules, et ce n’est pas ce dessin qui me fera marrer. Parce qu’il dit plein de choses justes mais qu’il passe sous silence plein d’autres problèmes.

Or, je crois que ce sont surtout ces non-dits là et ces silences qui me foutent en rogne et qui font du mal à beaucoup.

Le gouvernement avait hésité pourtant. Parce que, nous disait-on, ça posait problème à la majorité socialiste de caserne de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Pourtant, ils avaient voté sans trop se plaindre un paquet de saloperies depuis le début de la législature.

Parce que, même un personnage aussi sinistre que Valls (dont du coup, il serait bon d’examiner le statut administratif, au vu de la terreur dans laquelle il nous plonge) doutait de l’efficacité de la mesure. Parce qu’il y avait déjà des dispositions dans le Code Civil qui permettent de déchoir de leur nationalité les binationaux nés français. Parce qu’enfin, la mesure ne touchera en fait que peu de gens.

Le gouvernement et beaucoup de gens sincères y compris le dessinateur militant de Mathieu Colloghan (auteur du dessin) que j’aime beaucoup ont insisté sur le caractère symbolique de la mesure. Les uns pour se donner une stature et se poser en défenseur d’une « Autorité » autoritaire et chaque jour moins légitime, et des « Valeurs », dont je ne sais plus ce qu’elles valent. Les autres pour rappeler à tout le monde que cela ne servait à rien et que ça n’empêcherait ni ne protègerait personne. Ce que ce dessin illustre.

Mais peu de gens trouvaient quelque chose à redire justement sur ce caractère simplement symbolique. Symbolique de quoi au juste ? Symbolique de qui ? Symbolique sur le dos de qui ? Car, oui, effectivement cette mesure est symbolique et c’est bien là le drame.

On omet souvent de dire, de rappeler, ce qu’un symbole permet, justifie, autorise, ou, permet de passer sous silence. Une mesure symbolique, surtout lorsqu’elle est inscrite dans une Constitution, ça joue sur ce qui est admissible, dicible, pensable ou non, sur ce qu’on peut ou pas légitimement ressentir. On aurait tort de croire que le symbolique ça ne compte pas.

C’est sûr qu’à cette époque où tout se gère, se compte, se calcule et se vend, le symbolique ça ne pèse rien. Le symbolique ça ne vaut rien pour ces gens à l’âme de comptables qui nous dirigent. Pourtant, on aurait tort de croire que le symbolique ça ne produit pas des effets.

C’est notamment sur la base de symboles que des gens sont sortis par millions dans la rue il y a un an. C’est parfois sur la base des mêmes symboles que d’autres ont refusé de sortir. C’est entres autres la photo d’un enfant mort sur la plage qui a été érigée en symbole de beaucoup d’autres morts qui fait résister des gens aujourd’hui.

Enfin, des noms comme Abu Graib ou Guantanamo, des énoncés « comme un autre monde est possible, « Nous sommes 99%. » ou « el pueblo unido jamas sera vencido » « je suis Charl… » sont autant de symboles récupérés, brandis et mobilisés. Autour de ces symboles, des gens s’organisent, se battent pour le meilleur comme pour le pire.

Les organisations politiques aussi produisent ou affichent des symboles, comme la nouvelle version de la Flamme du Front national que le gouvernement attise.

La flamme du FN plantée sur un socle où le nom du parti se détache en lettres blanches par exemple ? C’est un emprunt au MSI (Mouvement Social Italien) parti fasciste, vu que pour les initiés, MSI c’est aussi « Mussolini sempre immortal » (Mussolini toujours immortel). Le socle et la flamme sont des symboles de la tombe de Mussolini éternellement renaissant. Donc voilà, les symboles ça compte, et pas qu’un peu.

La déchéance de nationalité en France pose un problème de fond capital sur le principe fondamental qu’est le droit du sol. Elle pose également un problème de mémoire. En effet, la seule fois en France où on a dénaturalisé des Français, c’était par loi du 22 juillet 1940. Sous Vichy, juste avant de voter une loi sur le statut des juifs. A l’époque Raphaël Alibert, le ministère de la justice du maréchal Pétain déclarait au Journal des débats le 24 juillet 1940 : « les étrangers ne doivent pas oublier que la qualité de Français se mérite.

Depuis, Les Le Pen, Robert Menard, Xavier Bertrand lui ont emboité le pas.

Aussitôt la nouvelle apprise, Florian Philippot a applaudi sur Twitter : « Déchéance de nationalité : le gouvernement préfère Marine à Christiane (Taubira). Encore une victoire idéologique. »

Il a raison. Si là, Taubira ne démissionne pas….

Le cadre maintenant. La déchéance de nationalité est proposée dans un texte qui constitutionnalise l’Etat d’urgence. Un texte qui prépare sa prolongation. En effet, on trouvera toujours une bonne raison de prolonger l’Etat d’urgence.

Au hasard, l’Euro de Foot qui arrive. Qui sera contre qu’on protège les supporters français et étrangers (apporteurs de devises) du Mal ? C’est d’autant plus difficile que le Mal nous vient du dedans dit le gouvernement…

Je n’oublie pas non plus le reste du texte, tout ce dont on ne parlera pas ou peu, d’attentatoire aux libertés. Ce que cette mesure odieuse en pleine lumière, cache. Parce qu’il est aussi malheureusement possible qu’elle serve également de chiffon rouge pour occulter le reste.

Mais si la déchéance de nationalité se retrouve dans un texte sur l’Etat d’urgence c’est bien qu’il y a pour le gouvernement un rapport entre terrorisme et Nationalité. Souvenons-nous des indignations (justifiées) des démissions contre Sarkozy et son : ”ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale”. Ce rappel permet d’entrapercevoir le caractère systémique structurel de ces « débats », autant que le saut qualitatif (sans aucune qualité) franchis par ce gouvernement.

Là où Sarkozy, tout raciste qu’il est, faisait un lien qui posait les immigrés comme extra nationaux menaçant une « identité française » fantasmée, Hollande aura formalisé légalement, administrativement, l’idée qu’une menace spécifique (les attentats) qui est aujourd’hui considérée par beaucoup de gens comme le danger principal qui pèse sur eux a notamment pour origine essentielle (à la racine) des étrangers même nés français.

Ainsi, pour lutter contre ce danger qui met en danger l’Etat (qui est la chose la plus importante à protéger), l’Etat se défend. Et c’est la thématique de la légitime défense de l’Etat qui conduit à ces décisions, à ces mesures extraordinaires mais parties pour durer qu’on constitutionnalise.

Toute hypocrite qu’elle soit, la farce de 1998 de la France « black-blanc-beur » appartient à un autre monde. Un monde où ce type de thématiques existaient déjà, mais ne pouvaient plus (depuis peu) être dites et faites, à cette place et si franchement. Le risque à l’époque ? Être stigmatisé et qualifié pour ce que c’est : un discours raciste même avec des réserves, être marginal dans le spectre politique. Depuis, plein de digues ont sauté. Aujourd’hui, voilà ce barrage qui craque.

Voilà ce qui justifie de faire de moi un français sous condition.

Voici ce qui autorise et légitime toujours plus, encore plus, le traitement dégradant ou au mieux comme des citoyens de seconde zone de tout celles et ceux qui seront perçus à tort ou à raison comme des ennemis intérieurs potentiels car suspects pour ce qu’ils sont et pas ce qu’ils font.

Tout ceci au nom de la lutte contre le terrorisme. Au nom de la Protection et de la Sécurité. Encore une fois sécurité et protection pour qui ? Et sur le dos de qui ?

Bien entendu, cette protection ne concerne ni le chômage, ni la santé, ni les conditions de travail, ni le logement.

En fait, en y réfléchissant un peu, aujourd’hui je suis en colère notamment parce que je me sens comme beaucoup un peu plus menacé physiquement par ce genre décision.

Un peu comme après le verdict pour Zyed et Bouna et celui rendu pour chaque meurtre policier impuni. Aujourd’hui, certains d’entre nous, qui sont déjà effrayés vu ce qu’ils et elles subissent depuis longtemps et encore plus fort depuis un an au moins ont de quoi avoir un peu plus peur. Celles et ceux qui ne sont pas en colère comme moi restent chez eux. Ils et elles (il y a beaucoup, beaucoup de elles) restent entre eux, cherchent moins à rencontrer d’autres personnes. « C’est plus prudent... », me disent ils, « Toi, tu comprends ».

Parce que ce n’est pas évident de devoir s’expliquer, se justifier de tout, sur tout, tout le temps. Parce qu’on est sommé de produire une réponse pour nous et les autres…

Le fait est que beaucoup prennent et reçoivent cette mesure symbolique pour ce qu’elle est, une succession d’ordres : « Baisse la tête ! Ferme ta gueule ! Ne fais pas de vagues ! Fais allégeance ! Montre patte blanche ! Tu es suspect par principe ! »

Il y a quelque chose de cette violence institutionnelle qui touche directement à nos corps là dedans. A des façons de se tenir, de s’habiller, de parler, de respirer.

Ce n’est pas simplement une histoire d’opinion, d’avis, de rationalité ou d’efficience Des fois qu’on n’aurait pas compris d’ailleurs, un conseiller d’Etat précise : « Il ne s’agit pas de créer deux catégories de Français. La rupture d’égalité existe déjà entre les binationaux, ceux nés étrangers qui peuvent être déchus, et ceux nés Français qui ne pouvaient l’être. »

C’est beau.

Voici donc la justification non pas d’un nivèlement par le bas mais bien de ce que beaucoup d’entre nous expérimentent déjà depuis longtemps :

Oui, la rupture d’égalité existe effectivement pour tous les étrangers réels ou supposés. Qu’ils soient français ou immigrés, sans papiers ou demandeurs d’asile. Dans ce bled on n’est pas tout à fait admis. Même quand c’est écrit qu’on a « le droit de », ou « les droits à ».

Dans ce bled, nous sommes un problème. « T’es pas tout à fait chez toi ici... » version soft. “Dégage !” en plus clair.

Là encore il faudrait analyser, décortiquer, revenir sur les héritages et les impensés coloniaux que cela traduit. Après tout, les IIIème, IVème et Vème Républiques ont beaucoup à voir avec la colonisation. La justice d’exception, quant à elle, beaucoup de chercheurs l’ont démontré, a une part de sa généalogie dans la guerre d’Algérie. Certains même considèrent qu’elle en en est la matrice. Il faudrait aussi penser le télescopage de tout ça avec le néolibéralisme….

Comprendre pour expliquer. Je ne le ferai pas ici. Je suis fatigué.

Conséquences : Bien malin sera celui ou celle qui pourrait les connaître. Je suis ni sondologue, ni oracle. Je ne me risquerai donc pas à des prédictions. « Le pire n’est jamais certain » comme on dit. Pourtant, je crois que c’est avec ce genre de symboles qu’on s’en rapproche, du Pire.

Je savais qu’ Ekoué avait raison lorsqu’il chantait « Quant à nos chances d’insertion sociale, je préfère encore la franchise du Front National, une évidence que je pense partagée par tous les sauvageons de France prêts à tout saccager. Vivre dans la hantise de se faire dégager, quand on l’extériorise, je comprends que ça puisse soulager »

Je ne parierai pas spontanément là d’où je suis, sur l’effet positif et donc collectif de ce type de dégrisement pour les personnes concernées.

Les gens qui bossent sur « les chemins de la radicalisation » insistent sur son caractère… de chemin. C’est une évolution progressive, par petites touches. La rupture que constitue le passage à l’acte n’est que l’aboutissement de tous ces petits pas, parfois anodins, de toutes ces petites décisions antérieures dictées par pleins de choses… Comme le fait par exemple, qu’on ne se sente pas et qu’on ne puisse plus se sentir chez soi, ici. Quoiqu’on dise et quoiqu’on fasse.

Au prochain taré à lier français (même temporairement) qui se fera exploser dans nos rues revenant de je ne sais où, il faudra s’interroger sur la mèche qu’aura peut être constituée ce symbole.

Jean Marie Le Pen traitait les arabes de “Français de papier”. Grâce à Hollande nous le sommes un peu plus. Je crois que là, on atteint un point dont il nous sera difficile de revenir indemnes. Demain, revenir sur l’imaginaire que produisent ces symboles a fortiori vu le contexte actuel sera compliqué. A moins de tordre le bâton dans l’autre sens. Aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, plus qu’hier et moins que demain il y aura des Français sous conditions et d’autres non.

Il y aura une catégorie de sous citoyens de plus.

Régulièrement ces dernières années quand je demandais à des copains racisés pas spécialement politisés pourquoi ils allaient voter, ils me répondaient que ce qui les faisait bouger c’était plus trop l’espoir de voir changer les politiques économiques et sociales. Ils me disaient que parfois ils y allaient, contre les fachos par exemple. En 2012 ils y sont allés aussi au nom des leurs (leurs oncles, parents, tantes, grands parents) qui eux ne pouvaient pas voter. Ils y sont allés pour eux. Pour cette vieille promesse du droit de vote des étrangers.

Ils y allaient aussi personnellement pour eux et pour honorer leurs morts. Parce qu’on leur avait promis les récépissés contre le contrôle au faciès. « Vous vouliez l’Egalité de des droits, de traitement et la justice ? Vous aurez la déchéance de la nationalité »

Ce sera quoi les conséquences de tout ça ? Faudra pas venir, pleurer ou se plaindre si la société française est « fracturée ou malade » Faudra pas regretter que certains ne voient QUE c’est-à-dire exclusivement des Blancs d’un côté, des Musulmans, des Noirs ou des Rroms de l’autre. Faudra se souvenir de cet épisode si on vous demande qui a organisé (pour faussement le regretter par la suite) l’Apartheid en France ». Qui a toléré, fermé les yeux là dessus. Qui s’est tu.

Surtout, faudra pas se plaindre si demain une catégorie de citoyens souhaite faire sécession avec cette société, et avec ses lois, qui tuent, qui violentent et qui méprisent. Pour demain, je pense à ces gamins qui naissent de couples mixtes ou pas. Ils naitront dans un monde ou ces différentes catégories de nationaux auront la force de ce qui est institué, en plus de tous les autres défis à affronter.

Un monde de guerres. Un monde en guerre.

Un monde de murs et de frontières toujours plus hautes entre les gens et les populations.

Un monde de barbelés unifié par les marchandises. Des marchandises qu’ils ont intérêt à consommer. A pouvoir consommer, à vouloir consommer, à aimer consommer. Consommer quoiqu’il en coûte. Pour eux, pour les autres, pour leur habitat.

Le truc qui me rassure un peu, c’est de savoir qu’on sera peut-être leur parents, et qu’on réussira peut être à leur transmettre deux ou trois choses différentes. Notre défi c’est de savoir si on y arrivera et si ça suffira.

Je ne suis pas dupe. Cette mesure s’ajoute à bien d’autres lois, d’autres pratiques. Il y en a eu avant, il y en aura après. La différence c’est qu’on touche ici pour partie à mes limites. Les limites de mes propres limites du moment. Celles que j’ai déjà poussées trop loin. Simplement pour pouvoir tenir.

A l’aune de ce genre de choses, les gens soucieux de transformation sociale devront faire avec le caractère concret, pratique, et ressenti de ces symboles. Ils devront écouter, essayer de se décentrer et sans doute faire plus attention à tout ce qui n’est pas « eux ». Au risque (encore une fois) de ne rien comprendre. De ne pas pouvoir résister. Au risque de perdre et peut être de mourir.

Demain, cela risque d’être encore plus dur d’être ou de se battre Ensemble. Les gens soucieux de transformation sociale auront à choisir : Avec celles et ceux qui nous gouvernent et leurs alliés, mêmes lointains, et donc le cas échéant avec l’Etat, ou, avec les opprimés et les dominés pour ce qu’ils sont et d’ où qu’ils viennent.

Les personnes soucieuses d’émancipation auront d’autant plus un choix faire que pour beaucoup (ici moi par exemple), le choix n’existera pas ou sera beaucoup plus réduit. Pour cela il va falloir que certains renoncent à leurs maigres privilèges pour se solidariser de personnes au-dessous d’eux. Ce n’est pas évident. La peur de tomber, le renoncement au fait de monter à n’importe quel prix dans le monde actuel…

« On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a, on essaie de monter, mais pas sur les autres alors on a pas honte de le montrer » écrivaient Koma et Fabe comme pour montrer une voie possible dans ce brouillard.

Sera-t-on Grands Ensemble ou tout petits séparés ? La suite dépendra notamment de cela.

La banalisation de l’exceptionnel, de l’injuste, de l’inégal ça produit des effets que généralement on ne réalise pas tout de suite. Cela ensauvage le bourreau et sa victime… C’est ça la conséquence que je crains le plus...

Je conclus : Comme on est dans la période des fêtes, j’ai envie de faire un vœu. Un vœu même pas pieux, un vœu pas laïc non plus. Juste un vœu. Moi j’ai toujours envie de croire que l’histoire n’est pas finie, que les dés ne sont pas jetés définitivement. Que ce qui est fait, peut toujours être défait, puis reconstruit autrement. Ça serait mon grand vœu celui-là. Celui que je vais faire aujourd’hui sera bien plus modeste.

Finalement, j’ai fait l’effort d’expliquer ce que j’en pensais, de tout ça, ce que ça me faisait et ce que j’en ressentais. Je l’ai fait pour toutes celles et ceux qui ne pourraient pas le dire, pour toutes celles et tous ceux qui ne voudraient pas le dire. Par honte, par peur, par crainte, par découragement, parce que c’est difficile ou parce qu’un jour ils en ont eu marre de parler, ou pour toutes les raisons valables qu’ils auront. Pour tout cela donc, mais ni à leur place, ni en leur nom.

Je me suis expliqué pour Nous. Avec la ferme intention de faire un exister un “Nous.” Un “Nous” pour nous tous. Un “Nous” aussi orthogonal que possible aux “Nous” gouvernementaux. Un “Nous” aussi indigeste que possible à leurs repas frelatés de fin d’année.

Un “Nous” inclusif. Un “Nous” où chacun aura la place qu’il souhaite prendre.

Ce “Nous” sera select. C’est un “Nous” pour “les n’importe qui” ne pourra pas se faire avec tout le monde. Même si il tachera de rester ouvert au maximum.

J’ai fait avec mes mots en espérant qu’ils atteignent un peu le cœur et la tête de celles et ceux que ça intéressera qui feront l’effort de me lire. Avant ou après les huitres, entre deux cadeaux si il y en a, qu’ils fêtent Noël ou pas, ou plus tard. Je l’ai fait parce qu’en fait, je n’ai pas le choix de ne pas être un pont.

Le seul espoir que j’ai, parce que je suis obligé d’en avoir, c’est qu’en échange certains feront l’effort d’essayer de comprendre.

Mon vœu est tout simple : Sortez, allez voir, écoutez, rencontrez, parlez, faites avec, ces gens riches de mondes, de livres, de langues et de cultures et de différents pays qui sont ici. Le temps presse !

Au sortir de ces belles rencontres et avec les compagnies de lucioles qu’on aura su constituer pour briller dans le noir et nous reconnaître peut-être qu’il y aura quelque chose à faire…

Pour que le Pire soit toujours plus incertain.

Pour qu’on puisse de nouveau rêver au meilleur.

Parce qu’en ces temps décidément très bruns, comme l’écrivait Howard Zinn : « Vivre maintenant comme nous pensons que les êtres humains devraient vivre, défiant le pire de tout ce qui nous entoure, est une victoire merveilleuse."