Partie précédente : L’alibi de la souveraineté nationale
Le parti socialiste a justifié d’un autre argument pour reculer encore l’échéance d’élargissement de l‘espace politique aux étrangers. Mitterand avait inscrit en 1981 et 1988 dans son programme l’octroi du droit de vote aux élections municipales et n’avait pas tenu sa promesse au prétexte que les “ Français n’y sont pas favorables ”. M. Jospin ne fait que reprendre le même argument en 1995 :
“ La droite a refusé que le droit de vote et d’éligibilité des ressortissants de l’Union européenne s’applique aux élections municipales de juin 1995 et je le déplore. Certains pays ont déjà reconnu aux ressortissants non communautaires le droit de vote aux élections locales ou nationales. Actuellement, les Français, dans leur grande majorité, n’y sont pas favorables. L’état de nos mœurs ne nous le permet sans doute pas encore. Mais je pense que les mentalités évolueront vers cette reconnaissance. Nous devons ensemble nous battre pour faire évoluer l’état d’esprit de nos compatriotes ”.
Décidément, le PS a une bien étrange conception de son rapport aux électeurs. D’une part ceux-ci élisent François Mitterand à deux reprises sur un programme comportant l’octroi du droit de vote, d’autre part cela ne l’empêche pas d’estimé une fois élu que les Français ne sont pas “ favorables ” à cette mesure. Voici plus de vingt ans que le PS “ agit ” pour faire évoluer à l’en croire cette mentalité française décidément rétrograde. Il est vrai que nous ne voyons pas concrètement cette “ bataille ” pour convaincre dont nous parle Jospin aujourd’hui. Mitterand appelait aussi à une mobilisation pour faire évoluer les mentalités. Nous ne l’avons également pas vu.
Les sondages sur l’opinion des Français sont fréquemment invoqués pour justifier de cette affirmation sur l’opposition des Français au droit de vote des étrangers. Or ceux-ci sont contradictoires. Mais là n’est pas l’essentiel à moins d’accepter que la politique ne se résume aujourd’hui qu’à une “ gestion des sondages ”. Mitterand a d’ailleurs su aller à contre-courant des sondages en tenant sa promesse d’abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981.
Lionel Jospin démasque lui-même son argument dans un autre texte. Revenant sur les raisons pouvant expliquer le non-respect de la promesse électorale de François Mitterand, il ne l’explique plus par l’argument de l’opposition des Français mais par un autre : les difficultés juridiques. Les difficultés constitutionnelles auraient été insurmontables malgré la détermination du gouvernement :
“ Lors des élections présidentielles de 1981 et 1988, le principe du droit de vote des immigrés pour les élections locales a été inscrit dans le programme du candidat socialiste sans que cette réforme puisse être réalisée dans les deux septennats. Nous n’avons pas pu surmonter la difficulté d’ordre constitutionnel. Il m’a donc semblé inutile de réinscrire cette mesure sans être capable de la réaliser ”.
C’est donc une difficulté d’ordre juridique. Et nous qui pensions que c’était le peuple français qui s’y opposait. Le PS semble décidément entouré de piètres juristes, qui n’ont pas su démêler les obstacles juridiques constitutionnels en vingt ans de travail.
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