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Déboulonnage civique

Réflexions sur la guerre des statues

par Pierre Tevanian
21 juin 2020

« Cachez cette statue que je ne saurais voir » : tel est le titre, odieux, nous y viendrons, d’un éditorial de Laurent Joffrin, directeur de Libération, consacré à la « controverse iconoclaste » qui secoue actuellement le monde entier : faut-il conserver ou « déboulonner » les statues ou les noms de rue glorifiant d’anciens esclavagistes ou d’anciens massacreurs, coloniaux notamment ? Si nous avons choisi d’en proposer une lecture critique, c’est qu’il condense de manière à peu près exhaustive l’ensemble des lieux communs et des sophismes qui sont utilisés par l’essentiel de l’éditocratie pour diaboliser tout un mouvement social et justifier un statu quo pourtant éminemment problématique – et qui permettent au final à notre président de décréter, sans même avoir besoin d’argumenter [1], que « la République ne déboulonnera pas de statue ». Nous nous saisissons en somme de la prose de Monsieur Joffrin comme d’une occasion pour réintroduire du questionnement, de la pensée, du mouvement, en résumé : de l’histoire, dans une politique de la mémoire tout à fait sclérosée, partiale, brutale, étouffante, mortifère.

Le titre choisi par Laurent Joffrin, disais-je, est odieux, mais il est aussi génial à sa manière : il joue parfaitement son rôle de titre, en nous annonçant de manière très exacte la teneur du texte proposé, et surtout son niveau de bêtise, de méchanceté et d’indécence. Il faut en effet une formidable impudence pour trouver dans cette controverse matière à plaisanterie, cligner de l’œil insolemment et se référer au « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » du Tartuffe, énoncé dans une comédie de Molière, par un personnage d’imposteur qui-plus-est. Il faut une formidable insensibilité pour prendre à ce point à la légère et à la rigolade le vécu et le ressenti des descendants d’esclaves et de colonisés, et comparer à de la pudibonderie leur colère face à des monuments glorifiant les assassins de leurs aïeux, les destructeurs de leurs cultures, de leurs familles, de leurs subjectivités. On peut la tourner dans tous les sens, la boutade de Monsieur Joffrin ne dit qu’une chose : qu’un.e Noir.e qui ne veut plus voir dans la rue de sa ville de statues ou de plaques à la gloire de Colbert, auteur du fameux Code qui donna aux Noir.e.s le statut juridique d’un « meuble », est un peu comme Tartuffe face aux seins des femmes : un dévot passablement hypocrite, qui affecte un puritanisme excessif, et qui nous fait bien rire.

Mais entrons dans le vif du sujet, et de l’argumentaire qui vient soutenir ce sarcasme.

Histoire et mémoire

L’éditocrate commence par formuler une question tout à fait orientée :

« Déboulonner une statue, est-ce déboulonner l’Histoire ? »

« Abattre l’effigie d’un esclavagiste notoire, comme l’ont fait les Britanniques à Bristol pour un certain Edward Colston, négrier du XVIIe siècle, ou celle du général Lee, chef sudiste – et donc esclavagiste – comme l’ont exigé une bonne partie des Américains, est-ce effacer, dans un geste orwellien, le passé d’un peuple ? »

Ne soyons pas malhonnêtes : ces questions idiotes, pleines de poncifs, n’expriment pas forcément le fond de la pensée de celui qui les pose. Il est fréquent qu’on parte des problématiques et des thèses de l’ennemi, formulées dans ses termes à lui, et que, précisément en les mettant en question, on aboutisse à leur invalidation. Il peut donc être de bonne guerre d’ouvrir ainsi la réflexion pour nous conduire ensuite ailleurs, et c’est bien ce que semble faire Joffrin dans un premier temps. Il nous explique, à juste titre, qu’une statue est un objet mémoriel et non historique, dont la vocation est de célébrer un personnage et non de livrer une connaissance objective et exhaustive sur le passé. L’histoire s’inscrit dans des livres, nous rappelle à juste titre Joffrin, et non dans des monuments ou des noms de rue. Et il est donc légitime qu’une société, en évoluant, cesse d’honorer ce (et ceux) qui ne lui parai(ssen)t plus honorable(s).

Voilà, nous dit Joffrin, qui invalide l’indignation de la « droite » et de « l’extrême droite » – et on le voit donc venir, gros comme une maison : il y a peut-être bien, à côté de cette mauvaise indignation « de droite », de bonnes raisons, « de gauche », de disqualifier les revendications des « déboulonneurs », et de les enterrer.

Avant d’y venir, notons tout de même que, quelle que soit la bêtise, la méchanceté et l’obscénité de ce qui va suivre, et que laisse deviner le titre odieux, Laurent Joffrin se démarque bel et bien, par ce simple préambule, de la posture d’indignation et de rejet primaire qui est effectivement celle de la droite la plus extrême, mais aussi, notons-le, du Président de la République, dans son allocution du 14 juin, et de son Premier ministre à l’Assemblée nationale : celle qui consiste à tout mélanger, en établissant une équivalence entre « déboulonner des statues », « oublier des œuvres », « effacer des traces de l’histoire » et même « développer une vision mensongère de notre passé », « procéder à une épuration mémorielle » – moyennant quoi les déboulonneurs, qui s’en prennent à certaines statues précisément parce qu’ils connaissent l’histoire, apparaissent comme des falsificateurs voire des négationnistes, alors que ce sont précisément elles et eux qui souffrent depuis des siècles d’un « récit national » menteur par omission, donc d’une forme de négationnisme. Une singulière inversion des rôles qui rappelle l’abjecte célébration présidentielle de Pierre Loti, apologue du génocide des Arméniens, il y a pile deux ans, le 15 juin 2018.

Le cas Napoléon

Joffrin évoque à juste titre le cas de Napoléon : « Aucune rue parisienne ne porte son nom et seules deux statues lui ont été consacrées dans la capitale, l’une invisible en haut de la colonne Vendôme, l’autre camouflée dans une galerie des Invalides ». Cela, poursuit-il, parce que « les Républicains ont estimé que l’Empereur, dont la geste fascine le monde entier, était un ennemi de la liberté ».

L’exemple est pertinent, disais-je, à ceci près que pointe déjà un gros malaise : au moment même où il évoque un premier cas de déboulonnage possible, notre éditorialiste s’empresse de semer le doute sur son caractère légitime, par de multiples et insidieux petits apartés.

Tout d’abord cet hallucinant relativisme moral, concernant l’un des pires fauteurs de guerre de l’histoire moderne, qui a mis l’Europe à feu et à sang, et dont notre éditocrate se sent obligé de dire qu’il a joué « un rôle important dans l’histoire de France, positif ou négatif, chacun en conviendra ».

Ensuite ce mensonge patenté, selon lequel « la geste » (LOL) de l’empereur « fascine le monde entier » – il eût été plus conforme à la réalité de dire que « la geste » en question fascine quelques mâles français blancs de plus de soixante ans, restés nostalgiques de leurs petits soldats de plomb (comme, par exemple, l’auteur du livre Les batailles de Napoléon, qui s’auto-définit comme un « passionné » de « l’épopée napoléonienne » : un certain Laurent Joffrin), mais qu’en dehors de l’hexagone, c’est l’horreur plutôt que la fascination qui prédomine, et l’image d’un tyran, d’un criminel de guerre et d’un esclavagiste.

Car oui, Napoléon fut esclavagiste. C’est un « détail » que Joffrin ne juge pas utile de mentionner dans son texte, alors que le débat du moment se focalise pour l’essentiel sur l’esclavage et les esclavagistes. Il aurait été bon de commencer par là : la fameuse « geste » fascinante du héros de Joffrin inclut, entre mai 1802 et avril 1803, le rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises.

« La sensibilité de l’époque » : une aporie

« Même réflexion, a fortiori, pour Philippe Pétain », enchaîne notre Joffrin, sans circonvolutions cette fois, et c’est assez reposant. Comme est plutôt reposante la suite de la concession, qui fournit des exemples tout à fait convaincants, et même des modèles qui devraient faire jurisprudence :

« Dès lors, on comprend fort bien que les descendants d’esclaves, ou de colonisés, soient à leur tour regardants sur les hommages minéraux rendus aux hommes du passé. On a ainsi débaptisé, à Paris, la rue Richepanse, près de l’Opéra, parce que ce général du Consulat s’est rendu coupable d’un horrible massacre en Guadeloupe, destiné à réprimer une révolte d’esclaves. Exit Richepanse, donc, remplacé par un des premiers personnages noirs de l’histoire de France, le chevalier Saint-Georges. Même chose pour les noms de certains négriers enrichis par la traite à Nantes, Bordeaux ou La Rochelle. Qui ne le comprendrait ? L’hommage national, par nature, est relatif et changeant. Il dépend de la sensibilité d’une époque. Difficile d’admettre, aujourd’hui, qu’on persiste à rendre hommage à des marchands d’esclaves… ».

Difficile aussi d’admettre, cela dit, si je peux me permettre, que le directeur d’un quotidien de gauche prenne autant de précautions en de telles matières. Difficile d’admettre qu’il se contente d’un « Qui ne le comprendrait ? » là où l’on aurait attendu au moins un « Qui ne s’en réjouirait ? ».

Difficile de comprendre surtout que Laurent Joffrin s’abrite derrière « la sensibilité de l’époque », qu’il fasse de cette « sensibilité » son seul principe de justification, et qu’à aucun moment il ne s’engage, au nom des principes éthiques et politiques qui sont censés animer un homme de gauche, comme la liberté et l’égalité, et donc le refus du racisme et de l’asservissement. Faut-il donc attendre que toute « l’époque » ne supporte plus une injustice pour commencer à la combattre ?

Henry David Thoreau, qui fut un grand militant contre l’esclavage aux États-Unis, avait souligné, dans son livre La désobéissance civile, l’absurdité de cette légitimation du combat politique par la « sensibilité » de « l’époque », en d’autres termes « le consensus » : si l’on attend qu’une oppression indispose toute « l’époque » pour s’autoriser à la combattre, il en résulte qu’on la laisse perdurer longtemps, qu’on en devient donc le complice passif, et qu’en outre on ne s’autorise enfin à la combattre que le jour où il n’y a plus rien à combattre – puisque « l’époque », indisposée (ou, plus vraisemblablement, n’en ayant plus besoin), l’aura abandonnée d’elle-même !

Le problème peut être formulé autrement : à moins de nommer « sensibilité de l’époque » la sensibilité majoritaire numériquement, ou la sensibilité dominante, celle qui a les moyens de se faire entendre, de se faire plaisir et d’écraser les autres, il n’existe pas de « sensibilité de l’époque ». Il existe, à toutes les époques, une pluralité de sensibilités, diverses et antagoniques, qui coexistent ou s’affrontent. Par exemple, en 1850 aux États-Unis, coexistent et se confrontent une sensibilité blanche majoritaire, qui est plutôt une insensibilité pour ce qui concerne le sort des esclaves, il y a une sensibilité blanche minoritaire, celle de Thoreau, de John Brown et quelques autres, qui s’insurgent contre cette insensibilité, et il y a enfin la sensibilité des esclaves eux-mêmes. Il en va de même aujourd’hui : la sensibilité des descendants d’esclaves qui ne supportent plus les statues de Colbert est une des sensibilités de l’époque, ni plus ni moins que celles, très différentes, d’un Joffrin ou d’un Macron.

On ne peut donc pas trancher le débat en s’en remettant à « la sensibilité de l’époque » : soit on se rend à l’évidence qu’il y en a plusieurs, soit on s’en remet à la sensibilité dominante et on entérine alors toutes les dominations et toutes les injustices, soit enfin on s’en remet à la majorité, qui est hélas loin d’être infaillible – notamment quand il s’agit du sort d’une minorité. On revient donc toujours au même point : il faut en réalité se mouiller, s’engager, en s’armant de principes. Choses que Joffrin, qui peut se le permettre, se dispense absolument de faire.

Le cas Jean-Baptiste Colbert

Du moins est-ce l’impression qu’il donne à ce stade de son texte. Mais il y a un « mais », et comme on m’a toujours appris en rhétorique, c’est ce qui est après le « mais » qui compte le plus – comme, par exemple, dans « je ne suis pas raciste mais… ». Il y a un « mais » qui, en l’occurrence, nous conduit à une position résumable ainsi : d’accord pour déboulonner les marchands qui ont trafiqué des humains et les militaires qui ont dirigé des massacres, mais pas touche aux grands « hommes d’État » qui le leur ordonnaient. Car lesdits grands hommes d’État ont un bilan plus vaste, irréductible à ces détails fâcheux. Séparons l’homme (d’État) de l’œuvre (criminelle) ! C’est ainsi notamment que notre éditocrate envisage l’un des cas qui défraient actuellement la chronique, celui de Colbert :

« Autre exemple, qui montre la complexité de l’affaire : certains militants demandent le déplacement ou la destruction de la statue de Colbert qui se dresse fièrement devant l’Assemblée nationale à Paris. Avec une bonne raison : ce ministre de Louis XIV fut le premier rédacteur du Code noir, document sinistre destiné à consacrer par la loi le fonctionnement des plantations esclavagistes aux Antilles, lieu d’un évident crime contre l’humanité. »

Ici s’achève donc la « compréhension » de Laurent Joffrin. Une « bonne raison » est certes concédée aux « militants » qui demandent la suppression de la statue de Colbert, mais toute la suite du texte s’acharne à la réfuter :

« Si Colbert est déboulonné, que faut-il faire des statues de celui qui a ordonné la rédaction du Code noir et dont les agents royaux ont surveillé la mise en œuvre : Louis XIV lui-même, dont une représentation équestre orne en majesté la place des Victoires, à Paris ? Et que dire du château de Versailles, édifié pour la plus grande gloire du Roi-Soleil et qui accueille chaque année des millions de curieux ? Faut-il en interdire la visite ? »

L’argumentation a ceci de très déplaisant qu’elle reprend un vieux poncif de la rhétorique réactionnaire : l’argument de la « pente glissante » et de la « porte ouverte », consistant à refuser une évolution sociale non pas à cause d’une nocivité effective qui lui serait intrinsèque, et qu’on serait capable de démontrer, mais à cause d’autres évolutions funestes qui pourraient advenir dans le futur, et qui en seraient, dit-on, les conséquences.

C’est ainsi par exemple qu’en 2004 on a interdit l’accès à l’école publique aux élèves musulmanes portant le foulard, sans jamais expliquer en quoi un foulard sur la tête d’une élève posait le moindre problème à l’exercice d’un enseignement laïque dans un espace laïque, au seul motif que si l’on acceptait ces élèves, ce serait « la porte ouverte » à toutes sortes d’autres « dérives » : « aujourd’hui le voile, demain les dispenses de cours de gym ou le refus de certains enseignements de biologie ».

C’est ainsi également que s’est formulée souvent l’opposition au mariage pour tous : « aujourd’hui les homosexuels, demain l’inceste, la pédophilie, la zoophilie ». Je ne dis pas que Laurent Joffrin mobilise un imaginaire aussi dégoûtant que celui de nos homophobes enragés, mais il faut se rendre à l’évidence : il mobilise la même ficelle rhétorique, en se dispensant de toute explication quant aux liens de causalité invoqués : « aujourd’hui Colbert, demain Louis XIV, après demain les visites du château de Versailles ». Voilà qui s’appelle se moquer du monde, et l’on peut donc, tout bonnement, refuser de répondre à des questions rhétoriques d’une telle mauvaise foi. Ou répondre simplement ceci : que c’est aujourd’hui Colbert qui est sur la sellette, que c’est donc sur Colbert qu’on attend des arguments solides, et qu’il sera toujours temps d’examiner le cas de Louis XIV, de ses statues et de son chateau, lorsqu’ils feront l’objet d’une doléance politique, si d’aventure cela se produit un jour.

Des coups de force rhétorique

On peut toutefois aller plus loin et pointer une autre particularité de l’argument de Joffrin. C’est un argument qui est, au sens littéral, un peu court. J’entends par là que l’argumentation s’arrête net, d’un coup, sur ces questions rhétoriques (« Et Louis XIV ? », « Et le chateau de Versailles ? »), comme si la simple évocation de Louis XIV ou de son palais suffisait à mettre tout le monde d’accord et clore le débat. Comme si chacun devait se rendre à cette évidence : « tout le monde sait bien que » l’on ne supprime pas une statue de Louis XIV !

Mais pourquoi pas ? Si en effet Louis XIV a ordonné à Colbert la rédaction de cet abject Code noir, en quoi serait-il si incongru de lui en tenir rigueur ? Qu’y aurait-il de si fou, de si impensable, de si dommageable à déboulonner cette statue, quitte à la rapatrier dans un musée si elle présente un intérêt artistique, et à la remplacer par une autre statue, moins offensante ? Les musées en sont plein, nous aurions l’embarras du choix. Il y a donc une réflexion, des discussions et des actions tout à fait possibles, auxquelles notre éditocrate décide, par un coup de force rhétorique dont il y a lieu d’interroger la motivation, de couper court.

Le ressort argumentatif est à peu près le même lorsque Joffrin évoque le chateau de Versailles : une question rhétorique, appelant un cri du cœur unanime : « Évidemment que non ! On a tout de même le droit de visiter un si joli château ! ». Et c’est ici, en fait, que Joffrin commence à positivement se foutre du monde, comme le laissait présager son titre persifleur. C’est là le privilège des dominants : le droit d’affirmer tranquillement n’importe quoi, et de tout confondre. Ce même droit dont a usé, un peu différemment, le président Macron, dans ses déclarations du 15 juin 2018 sur l’affaire Pierre Loti et son allocution du 14 juin 2020 sur les déboulonnages.

Car en réalité, il est peu probable que Joffrin l’ignore : personne n’a jamais manifesté la moindre velléité d’interdiction de la visite du château de Versailles.

Joffrin n’est pas stupide non plus au point de méconnaître la différence entre une statue à l’effigie d’un homme d’État, trônant au milieu d’une place publique, ou pire devant un Parlement, qui glorifie nécessairement cet homme d’État, et le Palais que l’on visite pour des raisons diverses et variées qui ont souvent peu à voir avec le culte du monarque – comme la curiosité historique ou le plaisir esthétique (et donc l’admiration de l’architecte, du décorateur, et non du locataire).

Joffrin n’est pas stupide non plus au point de méconnaître la différence entre d’une part un nom de rue, une enseigne ou un monument, qui se situent dans l’espace public, et s’imposent donc à la vue de tous et toutes, y compris celles et ceux qui les jugent offensants, blessants, traumatisants, et d’autre part un château qui se visite si et seulement si on en a l’envie, si l’on paye son entrée, et qu’on peut donc éviter si on le décide.

Le cas Jules Ferry

Mais ce n’est pas fini : « Le débat devient encore plus malaisé quand on parle de la colonisation », nous dit Joffrin, car « l’un de ses plus grands artisans, à la fin du XIXe siècle, s’appelle Jules Ferry, par ailleurs fondateur révéré de l’école publique républicaine : il faudrait donc débaptiser les centaines de rues et d’écoles qui portent son nom… ».

Et nous voici à nouveau face à un argument très court, reposant sur une « évidence » censée être connue et reconnue par tous et toutes, et donc nous clouer le bec. Cette fois-ci, « chacun voit bien », sous-entend Joffrin, que l’idée de débaptiser ces centaines de lieux à l’effigie de Jules Ferry est « à l’évidence » impraticable, et même impensable, inconcevable, absurde, « hors de question ». Ce qui, une fois de plus, est tout à fait faux, et n’est donc encore rien d’autre qu’un coup de force rhétorique. Car, enfin, cela est au contraire tout à fait envisageable et réalisable.

Envisageable précisément parce qu’il existe de très bonnes raisons morales et politiques de le faire : les positions idéologiquement abjectes de Jules Ferry et son soutien actif à l’entreprise criminelle, tyrannique, meurtrière, que fut la colonisation. A fortiori lorsque ce nom de Ferry est donné à des établissements scolaires où doivent venir s’instruire et se construire des jeunes qui sont, pour une part importante, les descendant.e.s des peuples que Ferry appelait des « races inférieures ».

Réalisable parce qu’il n’est pas si compliqué ni coûteux de remplacer des statues, des noms de rues ou des noms d’établissements scolaires, et qu’il existe une infinité d’autres personnages historiques qui, quelles que soient leurs « ambivalences » et leurs « zones d’ombre », peuvent avantageusement remplacer un colonialiste acharné comme Jules Ferry, un administrateur esclavagiste comme Colbert ou un Monarque Absolu comme Louis XIV.

Tout ce « beau » monde peut en somme sans grand dommage, et même dans l’intérêt de tous et toutes (à l’exception des racistes), disparaître tout à fait de notre espace public, c’est-à-dire de notre Olympe, sans pour autant disparaître ni de notre « mémoire collective », ni de notre « histoire » : la place qu’ils perdent dans la rue, où ils étaient objets de vénération, ils la gagnent ou la gardent dans nos manuels et nos cours d’histoire, où ils deviennent objets d’étude, c’est-à-dire de connaissance, de réflexion rationnelle, d’examen critique.

Il n’est en somme question d’ « effacer » ni leur vie, ni leur œuvre, mais au contraire de les appréhender dans leur entièreté et, s’il y a lieu, dans leur complexité. L’œuvre d’administrateur de Colbert, et celle d’esclavagiste. L’œuvre scolaire de Ferry, et son œuvre coloniale. Les « grandes réalisations » de Louis XIV, et toutes les oppressions générées par son règne despotique.

La cas George Washington

Inutile, après ces précisions, de s’attarder longtemps sur l’ultime exemple de M. Joffrin, qui active les mêmes ressorts argumentatifs :

« Même chose à l’étranger : faut-il abattre la statue de Francis Drake qui domine le port de Plymouth, sachant que ce héros de l’indépendance britannique, vainqueur de l’Invincible Armada, a aussi prêté la main au trafic négrier ? Ou encore effacer toute trace de George Washington, père fondateur de la nation états-unienne, qui était également propriétaire d’esclaves ? »

Notons simplement qu’ici comme ailleurs, Joffrin ne prend jamais la peine d’argumenter pour expliquer en quoi précisément déplacer certaines figures et les remplacer par d’autres ne pourrait pas se faire de manière bien plus large, y compris dans les cas « complexes » de « pères fondateurs » de notre ordre politique (comme la République française ou la démocratie américaine), s’il est avéré qu’il y a dans leur vie et leur œuvre une part de crime aussi conséquente que le pogrome, le génocide ou la mise en esclavage.

En quoi donc est-il si impensable de se passer de Drake ou même de Washington, ou plutôt de leurs statues, de leurs effigies, de leurs icônes, de leur culte ?

Si ces « héros », « grands hommes » et autres « Pères fondateurs » ont eu partie liée à des phénomènes aussi criminels que l’esclavage ou le massacre colonial, doit-on continuer de faire comme si de rien n’était ? Comme si ces compromissions étaient anodines ? Comme si elles n’étaient que des points de détail, de légères ombres qui concourent à la beauté d’ensemble d’un tableau sublime ?

Pourquoi ne pas y voir plutôt l’indice que oui, leur omniprésence dans l’espace public, comme icônes intouchables, est très problématique ?

Pourquoi ne pas y voir le signe qu’il y a lieu de transformer radicalement nos espaces publics, de les aménager, en remplaçant ces idoles offensantes et excluantes par d’autres, qui ne le seraient pas, en tout cas pas à ce point, et qui permettraient de rendre lesdits espaces publics habitables par tous et toutes ?

Ne faut-il pas, plus profondément encore, au-delà des nécessaires déboulonnages, y voir le signe que lesdits « Pères fondateurs » ont fondé un ordre pour le moins imparfait (colonial, esclavagiste, excusez du peu), et qu’il y a donc lieu de refonder cet ordre, celui de la démocratie américaine comme celui de la République française, à l’aune justement de cette histoire plus qu’ambivalente, plus qu’entachée de sang et d’injustice ?

Politique de la mémoire

Le but de cette réflexion n’est pas de produire en laboratoire une économie des lieux de mémoire qui serait « parfaite », « impeccable », en dressant a priori une liste exhaustive et définitive de ce qui serait « offensant » d’un côté, parfaitement « safe » de l’autre. Mais on peut tout de même se fixer un cadre axiologique, c’est-à-dire quelques règles, quelques principes éthiques permettant d’évaluer la légitimité d’une demande sociale. Car s’il est certes difficile, peut-être même impossible, de trouver des personnalités absolument irréprochables, il est en revanche légitime et tout à fait possible de demander et de trouver « mieux », ou « moins pire », que l’auteur du Code noir ou des promoteurs de l’oppression coloniale.

Bref, pour parler comme Nietzsche dans sa Seconde considération inactuelle, il y a lieu de faire moins d’histoire « antiquaire » (conservant tout) ou d’histoire « monumentale » (glorifiant des héros du passé) et davantage d’« histoire critique ». Et donc, toujours selon les mots de Nietzsche, de développer une pensée elle même inactuelle, ou intempestive : ne se soumettant pas à « notre temps » ni à ses idoles, n’attendant pas de « l’époque » qu’elle nous dise quelle direction prendre, mais s’efforçant plutôt d’inventer les temps à venir, en inventant y compris une nouvelle politique de la mémoire, de l’espace urbain et de la statue.

Cela peut vouloir dire beaucoup de choses : de nouveaux choix dans le patrimoine existant, de nouvelles idoles, moins compromises que les idoles présentes, mais aussi la création de nouvelles statues, représentant des personnalités illustres, mais aussi des anonymes, ou encore des formes abstraites.

Ou encore de nouvelles formes d’hommage, s’écartant de l’idolatrie, de l’héroïsation et du culte du « Père fondateur », des noms de rue honorant moins les individus et davantage des collectifs (comme le « groupe Manouchian », « les 121 », « les 343 », les Communard.e.s) ou des substantifs abstraits (la liberté, l’égalité, la paix, la justice)…

Des « plaques commémoratives » également peuvent s’inscrire dans cette politique de la mémoire, et devenir même d’intéressants « instruments pédagogiques », pour reprendre la formule de Laurent Joffrin, en nous informant sur une histoire longtemps occultée, comme le fait par exemple la plaque commémorant depuis 2001 un massacre colonial tardivement reconnu : celui du 17 octobre 1961. Mais si ces plaques ont une valeur, c’est par elles-même, pas comme simple « légende » d’un monument ou d’une enseigne abjecte, plus grande et plus visible, que des législateurs et des éditocrates ne veulent pas dégager.

Les pistes sont en fait multiples, mais l’urgence est en tout cas de se poser toutes ces questions, et de nous sortir de l’actuel enfer mémoriel, avec ses totems et ses tabous, dans lequel des Macron et des Joffrin veulent nous confiner.

« Ajouter plutôt que retrancher » : une fausse bonne idée

Tel est en effet le dernier mot de Laurent Joffrin :

« Il y a une solution à ce dilemme qui oppose mémoire et histoire, principes d’aujourd’hui et coutumes d’hier : corriger, justement, la mémoire par l’histoire. Il y a quelque temps, le groupe communiste du Conseil de Paris a proposé d’effacer l’enseigne ‘Au nègre joyeux’ qui surmonte une ancienne chocolaterie du Ve arrondissement, arguant qu’elle était une insulte aux victimes de l’esclavage (ce qui n’est pas faux). Le Conseil de Paris l’a suivi, à contrecœur. Mais plusieurs élus socialistes et écologistes, avec les élus de droite, ont objecté que cette décision, quoique votée, était ‘mauvaise’, de même que la maire d’arrondissement dans une tribune publiée par Libération. Mieux vaudrait, dit-elle, apposer sur la boutique une plaque qui rappelle le contexte de l’époque et qui décrive sans fard la réalité de la colonisation française. Sage proposition. Ainsi Colbert resterait-il à l’entrée de l’Assemblée nationale, mais une inscription visible, tout en rendant justice à son œuvre incontestable d’administrateur, amenderait l’hommage public par le rappel des crimes commis sur son ordre. Ainsi mémoire et histoire seraient-elles réunies et la statue changée en instrument pédagogique. Ajouter plutôt que retrancher, expliquer plutôt que censurer ou effacer : n’est-ce pas le signe d’une société à la fois lucide et respectueuse de tous ses membres ? ».

Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre, nous recommande Spinoza, mais cela devient difficile quand ce qu’on comprend, c’est que le directeur d’un quotidien de gauche nous explique tranquillement ceci : que la solution la plus « sage » (oui : « sage » !) consiste à « ajouter plutôt que retrancher », et par exemple laisser trôner, en 2020, en plein Paris, une immense enseigne colportant l’un des plus classiques clichés négrophobes, ravivant chez les Noirs la mémoire de plusieurs siècles de mépris et de maltraitance, et réactivant chez les Blancs des représentations racistes elles aussi vieilles de plusieurs siècles.

Cette injure raciste grand format, crachée à la figure de tou.te.s les passant.e.s noir.e.s, seraient une excellente chose, selon M. Joffrin, dans la mesure où figurerait dans un coin une plaque explicative, « rappelant le contexte de l’époque ». Là encore notre éditocrate se moque du monde, et plus précisément du monde noir, à un point qui interpelle. Car il sait très bien – car tout le monde le sait – qu’une immense enseigne s’impose à la vue de tout le monde, tandis qu’une plaque explicative n’est lue que par celles ou ceux qui passent juste devant, ont la chance de l’apercevoir et le temps de la lire.

Joffrin sait en somme que l’hypothétique effet « pédagogique » qu’il invoque n’est rien à côté de l’immense injure raciste qui est perpétuée chaque jour à l’encontre de milliers de passant.e.s noir.e.s, et du venin raciste qui continue tout aussi quotidiennement de se diffuser dans les esprits blancs, d’autant plus facilement qu’il continue d’être banalisé. Et il en va de même pour la statue de Colbert.

Joffrin sait très bien, par ailleurs, qu’il n’y a vraiment pas besoin de cela (infliger ce calvaire à celles et ceux qui n’en finissent pas d’être malmené.e.s) pour faire œuvre pédagogique et par exemple enseigner l’existence d’un stéréotype raciste autour du « nègre jovial », en étudier la genèse et en critiquer les ressorts. Il sait très bien que ce travail peut se faire de manière tout aussi massive, et bien plus approfondie et efficace, au sein de l’espace scolaire, avec un support qui se nomme le manuel d’histoire et qui est à tous égards plus adapté qu’une brève plaque sur un coin de mur.

Laurent Joffrin n’est pas bête, il n’ignore pas tout cela. Il le sait très bien puisque pas un seul instant il ne proposerait d’appliquer cette « sage » solution aux affiches, aux gravures ou aux sculptures antisémites qui ont proliféré dans l’Allemagne nazie ou la France vichyste. Jamais, et c’est heureux, il n’oserait défendre l’idée que le maintien dans l’espace public de ces immondices, accompagnées d’une « plaque » explicative sur le « contexte », rappelant les crimes nazis, serait un bon « instrument pédagogique ».

Jamais Laurent Joffrin ne défendrait le maintien, avec « plaque explicative », de statues à la gloire de Hitler ou Pétain, de manière à « rendre justice à leur œuvre incontestable d’administrateurs » tout en « amendant l’hommage public par le rappel des crimes commis sur leur ordre ». Pourquoi alors se le permet-il ici ? Les raisons peuvent être multiples, mais elles sont toutes accablantes, et il devient difficile, quoi que recommande Spinoza, de ne pas rire (nerveusement, devant tant de bêtise volontaire), pleurer (devant tant de violence symbolique) et surtout détester (devant tant de mépris, de cynisme, d’inhumanité, tout simplement).

La question qui me vient à la lecture de cette proposition aussi odieuse que frivole est la suivante : est-il vraiment impossible, quand on n’est pas soi-même noir.e, ou arabe, ou jui.f.ve, ou arménien.ne, ou rrom, ou femme, ou lié.e d’une manière ou d’une autre à un groupe humain esclavagisé, génocidé, massacré, de comprendre la violence extrême qu’inflige cet espace public saturé de « rappels » glaçants d’un passé traumatique ?

Comment ne pas comprendre qu’une statue, une enseigne, ou encore un nom de rue, sont des signes qui s’imposent à nous, de plein fouet, à notre corps défendant, sans qu’aucune légende explicative, critique, « contextualisante », ne suffise à annuler ou réparer la douleur infligée ?

Comment ne pas comprendre qu’il est tout bonnement inhumain de forcer des descendants de victimes à devoir prononcer, chaque fois qu’ils doivent évoquer leur école, leur lieu de travail, l’adresse d’un magasin ou d’un lieu de rendez-vous, ou pire encore leur propre adresse, le nom d’un des assassins de leurs aïeux – qu’il s’agisse de Colbert, de Ferry, de Galliéni ou d’un autre ?

Ce passé traumatique, pour être sinon dépassé, du moins apaisé autant qu’il est possible, a besoin, assurément, de mémoire et d’histoire, mais certainement pas de ce « package » pourri de mémoire et d’histoire, « deux en un », concocté par Laurent Joffrin, qui finit son article en proposant de mélanger ce qu’en préambule il invitait à distinguer.

Ce dont les victimes et leurs descendant.e.s ont besoin pour soigner leurs blessures subjectives, et dont les autres aussi ont besoin, pour soigner leur racisme, c’est tout sauf cette « ingénierie sociale » crapuleuse et maltraitante qui érige des lieux de mémoire tendancieux en documents historiques grandeur nature, et transforme de ce fait tout l’espace urbain un livre d’histoire géant que les descendant.e.s de victimes seraient sommé.e.s de réouvrir en permanence, à tout moment, à leur corps défendant, aussi bien au hasard d’une promenade que sur le chemin de leur travail, quand ils rentrent chez eux ou quand ils recopient une adresse, pour y lire le rappel de leurs souffrances passées.

Quelques pistes pour finir

Ce dont tout le monde a besoin est au contraire une certaine séparation entre d’une part les lieux de mémoire, qui se doivent d’être habitables, accueillants, et même (vu le passif qui existe) réconfortants, tout en se fondant sur des vérités historiques (car ces crimes ont bel et bien eu lieu, et honorer leurs auteurs comme des héros relève du mensonge historique par omission), et d’autre part les lieux d’étude et de transmission de l’histoire que sont essentiellement l’école, l’université et les livres, mais aussi les lieux d’éducation populaire (les débats publics), ou encore les oeuvres de création (livres, films documentaires), qui eux prennent en charge, en des lieux et des temps choisis et non subis, le visionnage des documents, la description exhaustive des atrocités, l’explication, la contextualisation.

Plus précisément, ce dont nous avons besoin, c’est d’abord d’une histoire bien faite, qui n’efface rien (rien notamment de l’œuvre atroce d’un Colbert ou d’un Ferry), consignée dans des livres, des films documentaires et des manuels solaires, et enseignée autant qu’il se doit, à l’école et dans les grands médias – et sur ce premier chantier, il y a encore énormément à faire.

C’est ensuite, dans une toute autre sphère, une reconnaissance publique de l’esclavage comme des autres crimes contre l’humanité, et leur inscription dans la mémoire collective, sous deux formes complémentaires.

L’une, positive, qui se cristallise dans des monuments et des noms de rues ou d’établissements célébrant les « héros » et les « martyrs », sans oublier les victimes ordinaires, qui ne voulaient que vivre et qui furent massacrées – et sur ce second chantier aussi il y a beaucoup à faire.

L’autre, négative : garantir au maximum l’absence, dans l’espace public, de tout reste d’hommage aux bourreaux ou de complaisance pour leur idéologie – et là encore il reste beaucoup à faire, ou plutôt à défaire, et notamment à déboulonner.

Pour être concret, en reprenant les exemples de Laurent Joffrin, disons que le minimum, pour assainir un espace public qui demeure pour le moment mortifère, serait d’abord d’effacer partout, dans toutes les villes, les enseignes négrophobes du type « Au nègre joyeux ».

Ce serait ensuite de donner en revanche à ce type d’imagerie plus de place dans les manuels scolaires, mais dans des reproductions en modèle réduit [2], sérieusement encadrées par un appareil critique plus visible et plus conséquent qu’une plaque sur un coin de mur, mais aussi par le travail d’un.e enseignant.e, et enfin par la réflexion collective de tout un groupe qui s’appelle la classe, afin de réellement instruire sur ce passé raciste, et le déconstruire.

Ce serait enfin, en positif, de permettre une visibilité, dans l’espace public, de nouvelles figures, de nouvelles images de Noir.e.s, loin de l’imagerie abjecte du « nègre joyeux » – et notamment des images produites par les Noir.e.s eux-mêmes et elles-mêmes.

Quant au cas Colbert, il peut et doit se régler lui aussi, sans aucune des difficultés insurmontables qu’a tenté de nous opposer Joffrin, selon ces trois axes.

Premièrement, par égard pour les Noirs, et par pédagogie pour les Blancs, déboulonner toutes les statues de Colbert.

Deuxièmement, pour les mêmes raisons, et pour mettre fin à l’offense sans effacer l’histoire, remplacer ces statues par d’autres statues, rendant hommage à des esclaves, célèbres ou anonymes, commémorant leurs souffrances et leurs luttes.

Troisièmement, donner à Colbert, comme objet d’étude, la place qu’on lui retire comme objet de vénération : accorder plus de temps, dans l’enseignement scolaire et périscolaire, à parler de Colbert l’esclavagiste et de cette œuvre de Colbert qui n’a rien d’anecdotique : le Code noir.

P.-S.

Traduction du Tweet d’Una McIlvena : « Je suis historienne. Nous n’utilisons presque jamais de statues pour enseigner l’histoire. Nous avons tout un tas d’outils plus efficaces à notre disposition, comme, par exemples, des LIVRES. Ce qui se passe c’est que ces jeunes ONT appris l’histoire, et que c’est pour ça qu’ils déboulonnent la statue. »

Notes

[1Et sans par ailleurs respecter les institutions de la République, qui ne lui accordent aucunement le pouvoir d’en décider : le choix des statues et des noms de rue relève du domaine de décision des maires, et celui des noms des établissements scolaires dépend des Conseils régionaux.

[2Et non, comme peut le faire un Pascal Blanchard, dans des « beaux livres » grand format, sur papier glacé, qu’on sort pour les fêtes de Noël – une autre manière de réitérer l’injure.