Accueil > Études de cas > Sexismes et transphobies > Transphobie en kiosque

Transphobie en kiosque

Retour sur la dernière Une de l’Incorrect

par Sylvie Tissot
10 juillet 2023

Moins visible que la place exorbitante, et pourtant complètement normalisée, des personnalités, commentateurs, mots et idées de l’extrême droite dans les médias, la conquête de l’espace public proprement dit doit aussi nous alerter.

Et elle devrait alerter n’importe quel Francilien, dont les yeux se posent aujourd’hui, de gré ou de force, sur les murs des kiosques et sur la Une du magazine réactionnaire L’Incorrect.

« Trans, les enfants cobayes », peut-on lire.

Si le Rassemblement national a pu faire sien un semblant de gayfriendliness (pour la mettre au service de l’islamophobie), l’extrême droite constituée ou reconstituée autour de la figure d’Eric Zemmour cible explicitement et violemment le « lobby LGBT » - et tout particulièrement les trans.

C’est le cas en France, c’est le cas dans bien d’autres pays.

Avec les mêmes rhétoriques, présentes dans un des articles (ou du moins son passage accessible en ligne) de l’Incorrect :

 Une attaque violente contre les trans au nom des enfants qu’il faudrait défendre, exactement comme la Manif pour tous a combattu, en 2012-2013, l’accès au mariage et à la filiation des couples de même sexe. De même que les militants contre la Loi Taubira avaient présenté l’homoparentalité comme un danger pour les enfants possiblement privés du binôme naturel (le papa et la maman), les enfants sont désormais décrits comme les « martyrs » des mobilisations trans : alors que, loin d’être leurs victimes, les enfants et les adolescents forment une partie des acteurs-trices de cette mobilisation.

 La réduction de ladite mobilisation pour les droits des trans à une « mode », simple air du temps aussi futile qu’arbitraire, amené à disparaître. Et, ce faisant, l’occultation des violences subies par les personnes trans.

 Une « altérisation » culturaliste, ladite « mode » provenant bien entendu des Etats-Unis, et apparaissant donc comme une expérimentation « contre-nature », un pur mouvement d’idées né de cerveaux wokistes, dont les enfants, là encore, seraient les « cobayes » (terme déjà utilisé par un invité régulier du Figaro et de CNews).

 le travestissement des enjeux, la simple demande de droits pour des individus étant présentée comme une imposition de pratiques et de normes, menaçant l’ensemble de la société (une opération présente au moment de la Manif pour tous et plus récemment dans toutes les attaques contre le « wokisme »).

 L’argument massue des « repentis », dont la proportion est très largement exagérée, là encore à des fins idéologiques.

Quel degré d’incitation au mépris, voire à la haine, produisent ces unes tranquillement affichées dans les rues de la capitale ?